Le relèvement du seuil de revente à perte bénéficie-t-il aux agriculteurs ?
Alors que la proposition de loi visant à prolonger le seuil de revente à perte majoré de 10 % doit être jugée par l’Assemblée nationale, l’UFC-Que choisir a publié une nouvelle étude montrant l’inefficacité sur le revenu agricole de cette mesure sur le revenu agricole dont elle demande la suppression.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le relèvement du seuil de revente à perte de 10 % (SRP + 10) est sûrement le dispositif le plus clivant introduit par la première loi Egalim en 2018. Il impose aux distributeurs de vendre certains produits alimentaires(1) avec une marge minimale de 10 %. L’objectif de cette mesure est un encadrement des prix afin de protéger, par effet de ruissellement, le revenu des agriculteurs.
La proposition de loi portée ce jour par le député Stéphane Travert (Ensemble pour la République) prévoit de prolonger de trois ans la mesure du SRP + 10 qui expirerait sinon en avril 2025.
Des relations toujours déséquilibrées
Selon l’étude de l’UFC-Que choisir parue le 4 février 2025, le SRP + 10 n’a cependant eu « aucun impact positif mesurable sur le revenu agricole ». Le revenu agricole a en effet baissé en 2019, première année de mise en œuvre du dispositif. Et depuis 2020, les hausses globales de l’EBE des exploitations ne sont « dues qu’à l’augmentation considérable des prix européens et mondiaux » dans les quatre filières étudiées (grandes cultures, porc, lait et viande bovine). En outre, l’UFC-Que choisir constate que « ces hausses n’ont pas suffi à couvrir l’explosion des coûts de production » avec notamment pour conséquence, « une fragilisation des plus petites exploitations ».
Car malgré ces lois censées protéger les filières agricoles, les relations commerciales s’avèrent toujours déséquilibrées, entre distributeurs et industriels, mais aussi vis-à-vis des agriculteurs dont la production est, entre autres, encore trop peu contractualisée pour sécuriser les prix. Et lorsqu’un contrat existe, les indicateurs de prix dans certains cas « reflètent mal les évolutions réelles des coûts », et sont même parfois « inexistants » pour permettre de bien ajuster le prix payé à l’agriculteur aux variations de coûts.
L’UFC-Que choisir dénonce par ailleurs le manque d’implication des pouvoirs publics : contrôles officiels peu fréquents, amendes infligées aux enseignes rares et de faibles montants. Ce qui n’incite pas les distributeurs à respecter les lois Egalim.
L’association des consommateurs avance que le pouvoir d’achat des consommateurs pâtit du SRP + 10. Elle estime que l’augmentation des marges des distributeurs en lien avec ce dispositif est à l’origine d’ « une inflation supplémentaire représentant entre 470 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an, selon les estimations ».
Controversé
Ainsi, « au regard des défaillances criantes » des lois Egalim, l’UFC-Que choisir demande des indices de prix interprofessionnels fiables, davantage de contractualisations, des sanctions dissuasives en cas de non-respect de la loi, la transparence totale dans la construction des prix. Des propositions que demande par ailleurs de longue date la profession agricole.
Néanmoins, FNSEA et JA défendaient encore le relèvement du seuil de revente à perte lors du vote d’Egalim 3. Car malgré des inconvénients — notamment la difficulté de préciser le « ruissellement » des montants générés par le SRP + 10 jusqu’aux agriculteurs — FNSEA et JA estiment que le dispositif a été efficace pour stopper la guerre des prix et la « spirale déflationniste ».
En février 2023, les sénateurs ont quant à eux voté pour l’arrêt du SRP + 10. « Force est de constater qu’il n’a eu qu’un effet extrêmement limité, pour ne pas dire tout à fait inexistant, en ce qui concerne l’amélioration du revenu des agriculteurs », justifiait notamment la commission des affaires économiques du Sénat.
À l’Assemblée nationale, Frédéric Descrozaille (Renaissance) et Aurélie Trouvé (LFI), co-rapporteurs d’une mission d’information, regrettaient que les données collectées par la DGCCRF pour le gouvernement, afin de mesurer les effets du SRP + 10, ne soient pas encore accessibles aux députés. À l’instar du Sénat, ils demandaient une évaluation d’impact du mécanisme qu’ils jugent problématique.
(1) Les fruits et légumes frais ne sont pas concernés par le dispositif.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :